Aujourd'hui, le 21 mars 2014, c'est la journée mondiale de la trisomie 21. Cette journée me touche particulièrement, puisqu'il y a un an et demi, j'ai mis au monde un petit ange trisomie 21. Laissez-moi vous raconter mon histoire ...
Mon mari et moi apprenons une grossesse surprise ! Nous sommes ravis. A 3 mois de grossesse, nous faisons la prise de sang de dépistage de trisomie 21 (comme toutes les femmes enceintes) et le résultat s'avère élevé pour mon âge (je n'ai que 19 ans et mon mari 20). Nous procédons donc à une amniocenthèse (cela consiste à prélever un peu de liquide dans le ventre afin de voir les gênes du bébé). Avant de procéder à l'amniocenthèse, le médecin regarde par échographie où se situe le bébé, afin de ne pas le piquer. Sauf que là, il reste au moins 20min sur son cœur... Je regarde mon mari et lui dit "il y a un problème avec le cœur...". Effectivement, le médecin me regarde et m'explique que mon bébé a une malformation cardiaque (un CAV), ses ventricules ne sont pas collées et le sang et l'oxygène se mélangent (pour expliquer cela simplement). S'il n'est pas opéré à ces 6 mois de vie, il aura une espérance de vie d'un an seulement. Je fond en larme. Il ajoute que cette malformation est liée 1 fois sur 2 à la trisomie 21. Nos chances passent donc de 1/250 à 1/2...
Le lendemain, les résultats tombent : la trisomie est confirmée. C'est comme si des montagnes s'étaient écrasées sur nous. Au début, nous avons été en colère contre le destin (ce n'était bien sûr pas la bonne réaction..) on se demandait "pourquoi nous ? On est jeunes, on n'a pas les épaules pour assumer un enfant trisomique, comment on va faire ? Et pourquoi il y a des filles qui couchent avec tout le monde et qui ont des bébés en bonne santé, et nous qui sommes droits on a un bébé qui a une maladie et une malformation cardiaque ?". Les médecins nous ont donc tout de suite poussé à l'interruption médicale de grossesse (en gros, un vrai accouchement puisque j'étais à 4 mois de grossesse, mais au moment de pousser c'est un bébé mort qui sort... et tué par moi !). Les médecins disaient que je suis jeune, j'aurai plein de bébés "normaux", que je n'allais pas m'"encombrer" d'un enfant trisomique maintenant. J'ai donc passé 2 appels : un à l'imam, et un à un centre spécialisé pour les adoptions d'enfants trisomiques (les parents qui apprennent la trisomie à la naissance et décident d'abandonner leur enfant !).
L'imam m'a dit qu'en islam c'était une épreuve, et une preuve qu'Allah nous aime, car Allah donne des épreuves à ceux qu'Il aime. Il m'a dit que l'avortement était bien sûr haram, car la trisomie n'empêche pas la vie de l'enfant ni celle de la maman. Il m'a dit que ce bébé était un pilier pour notre entrée au Paradis, si nous l'acceptons, patientions et le chérissons. J'ai ensuite appelé l'association d'adoption d'enfants trisomiques. J'avais peur en fait que mon enfant ne soit pas heureux à cause de la trisomie (car moi ça m'était égal de devoir faire des sacrifices, c'est mon bébé il le mérite!). Le monsieur m'a dit que les seuls enfants trisomiques qu'il a vu malheureux, étaient ceux qui avaient compris qu'ils avaient été abandonnés par leur parents à cause de leur handicape. Ma décision était prise: hors de question d'arrêter la grossesse, c'est mon bébé, je l'aime tel qu'il est! J'ai donc parlé au papa qui a été entièrement d'accord avec moi. Nous l'avons annoncé à notre famille, et on nous a posé beaucoup de questions et on nous a souvent répété "vous ne savez pas à quoi vous vous engagez". Et alors ? Personne ne sait jamais à quoi on s'engage avec un bébé, qu'il soit en bonne santé ou atteint de maladie. Bref, après beaucoup de discussion, tout le monde l'a bien accepté et la grossesse s'est poursuivie normalement.
J'ai eu un suivi plus régulier pour son cœur, et l'accouchement a été compliqué psychologiquement car son cœur ne tenait pas les contractions. On a eu très peur, mais hamdoullah, tout s'est bien passé ! C'est un bébé très facile, adorable. Il a très vite fait ses nuits, il est magnifique, il nous comble de bonheur. A 6 mois, nous sommes partis à Lausanne pour son opération (nous voulions qu'il soit opéré par le meilleur chirurgien cardiaque, qui se trouvais à Lausanne). Cela a été les 8 heures les plus durs de notre vie, c'était une lourde opération à cœur ouvert, avec 25% de mortalité... Mais nous avons placé notre confiance en Dieu et Al hamdoullillah, tout s'est bien passé ! Il est resté 8 jours aux soins intensifs et 3 jours en soins continus. Nous sommes sortis après seulement 11 jours. Allahou Akbar!
Il vit maintenant des jours comme les autres bébés. Il se développe plus lentement (tient assis plus tard que les autres bébé, marchera plus tard, etc), mais nous sommes fiers de chaque progrès qu'il fait! Je suis à la maison pour m'occuper de lui, le stimuler et le faire grandir comme un enfant normal (je ne veux pas qu'il se sente différent). Il est bien sûr plus suivi qu'un autre bébé (rdv ophtalmologue 1x par an, contrôle du développement, généticienne, cardiologue, ORL), mais tous ces rdv valent la peine ! Il mérite tout le bonheur du monde et tous les sacrifices ! Et puis, il nous le rend très bien, c'est un bébé sourire il nous donne énormément d'amour ! Voici mon récit, j'espère qu'en cette journée de la trisomie 21 les regards changerons sur la trisomie, et surtout surtout : que les mamans n'abandonneront plus leur bébé (quand même 9 grossesses sur 10 arrêtées !) ni durant la grossesse ni à la naissance ! Car si elles savaient le bonheur qu'elles perdent... ! <3